Tor, Wi-Fi public, chiffrement, VoIP : les vœux des policiers pour le tour de vis sécuritaire

Tor, Wi-Fi public, chiffrement, VoIP : les vœux des policiers pour le tour de vis sécuritaire
Publié le 22 décembre 2015
 

Alors que deux nouveaux projets de loi se préparent, l’un pour modifier la Constitution, l’autre sur la lutte antiterroriste, le haut du tableau des forces de l’ordre (policiers, gendarmes) ont déjà fait connaître leurs vœux de modifications législatives.

Près d’un mois après les attentats du 13 novembre, cette liste au Père Noel a été dressée par la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ). Elle se matérialise par une note, qu’a consultée le Monde, où seraient recensées les différentes pistes en préparation du chantier législatif programmé pour janvier 2016, souhaitées par les têtes pensantes de la police et de la gendarmerie.

Le Wi-Fi public interdit pendant tout l’état d’urgence

Parmi les mesures touchant aux nouvelles technologies, les policiers aimeraient ainsi que les connexions Wi-Fi publiques soient purement et simplement interdites durant l’état d’urgence. Puisque cette situation exceptionnelle est partie pour durer au-delà des trois mois initiaux – François Hollande ne prendra pas le risque d’affirmer en février prochain que le risque terroriste est désormais nul – on imagine sans mal le caractère disproportionné de ce choix sur l’autel de la liberté de communication et d’information.

Si l’état d’urgence est bien un terreau aux idées les plus fleuries, ce vent sécuritaire n’est pas une première en France. Rappelons-nous qu’en amont des débats Hadopi, le Conseil Général des Technologies de l’Information avait déjà proposé une mesure similaire. En 2009, il avait suggéré de restreindre les accès Wi-Fi publics proposés à titre gratuit à une liste blanche de sites qu’aurait dressée une entité administrative. À l’époque, le CGTI avait soutenu que « c’était la seule [mesure de protection] qui permettrait d’endiguer, le cas échéant, le téléchargement d’œuvres de la part de 16 millions de nomades tout en continuant de leur offrir à partir de tels accès gratuits l’essentiel du web utile à la vie économique, culturelle et sociale du pays ». Quelques semaines plus tard, Christine Albanel nous confiait qu’elle avait finalement décidé d’abandonner cette idée, « très incommode »… et surtout très critiquée.

TOR, la VoIP, les clefs de chiffrement

Les policiers aimeraient aussi « interdire et bloquer les communications des réseaux TOR en France ». Outre-Manche, déjà, l’idée de bloquer sur TOR avait été jugée impossible par le Parliamentary Office of Science and Technology (Post) qui avait cité notamment le cas chinois, déjà contourné par le biais de passerelles (ou bridge).

Autre souhait : « identifier les applications de VoIP et obliger les éditeurs à communiquer aux forces de sécurité les clefs de chiffrement ». Sur le premier point, l’article L33-1 du CPCE  pose déjà que « l’établissement et l’exploitation des réseaux ouverts au public et la fourniture au public de services de communications électroniques sont libres sous réserve d’une déclaration préalable auprès de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ». Cet article est le socle d’un conflit de longue date entre Skype et l’ARCEP, laquelle considère le géant de la VoIP comme un opérateur de communications électroniques. Apposé, ce label oblige les opérateurs privés à acheminer les appels d’urgence, mais surtout à suivre une série d’obligations permettant de mettre en œuvre des interceptions de sécurité (écoutes).

Quant au second point, la loi sur le Renseignement a déjà accentué la pression sur les prestataires de cryptologie, lesquels doivent remettre les clés de chiffrement désormais « dans un délai de soixante-douze heures » (article 12 de la loi), toujours sous peine de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Un amendement signé du rapporteur Jean-Jacques Urvoas avait cependant tenté d’aiguiser davantage encore cette obligation pour contraindre cette remise des clefs, non en quelques heures, mais « sans délai ». Il a finalement été abandonné en cours de débat parlementaire.

Dans leur besace, les policiers réclament d’autres réformes législatives qui pourraient pour certaines d’entre elles, être mise en œuvre même hors état d’urgence. Outre l’internement de certains fichés « S », cela passerait par l’instauration du prélèvement ADN des personnes perquisitionnées, la mise en place d’un « registre informatique centralisé des hôteliers et des agences de location (logements et véhicules) » ou encore la possibilité de flasher l’ensemble des véhicules passant sur un tronçon, aux seules fins de localisation d’un véhicule.

On ne sait si ces vœux seront matérialisés sous le sapin. De son côté, l’exécutif a déjà prévu l’interconnexion globale de tous les fichiers, l’élargissement des possibilités de vidéosurveillance dans les lieux publics, l’installation systématique d’une balise GPS dans tous les véhicules loués ou encore le doublement de la durée de conservation des données de connexion.